Le temps de vivre (extraits)
Le temps trace sur ton corps l'encre des jours qui passent
avec le ressac de mes désirs tes cicatrices
fermées comme ta bouche ton sommeil et tes livres
ressassent un passé dont j'ignore les latences
et la vague sur toi laisse rouiller son aurore
en petites aspérités qui tremblent timides
au creux de ta peau où les années sans voix palpitent
j'écoute ton cœur comme un coquillage inconstant
qui rythme mes rêves de la surdité du temps
et ton regard s'est dévêtu de mes paysages
le chant des choses tu vois sera notre atout blanc
notre détresse de lumière aux gouttes d'attente
aux doigts du vent venu mourir sur ma page ouverte
***
Voici ton silence ouvert porté à mon estime
ton odeur qui m'accueille dans mon for de faiblesse
les lieux qui se souviennent du linge blanc des vignes
qu'est-ce qui défaille en moi quand j'attends tes deux mains
et que la caresse de tes mots ne me vient pas
qu'ai-je attendu dans notre demeure d'impatience ?
et pourquoi guetter ce qui ne me nomme que seul
au séjour de la pluie soulevant toutes mes villes
traversées comme autant de semblables qui m'ignorent ?
Quelqu'un m'appelle encore au-delà de notre amour
et j'ai hâte de rejoindre nos après-midi
d'enfance là-bas où les arbres tristes s'accroissent
de nos passions perdues d'adultes enracinés
***
et je m'accrois de mes grands miroirs d'incertitude
un entre-ciel gisait dans les sommeils de ta voix
la fenêtre hésitait au pas de mes mots d'hiver
on se contemple neige dans les yeux de l'oubli
et moi savais-je l'amour si tendu de tendresse
qu'à peine un fil me rattrape au vol de ta mémoire
je me représente si loin de tes souvenirs
quelque part entre toi et toi-même à parcourir
en chemins de toi perdus les plus vieux univers
tout un monde lointain restait à jamais fixé
entre le rire et les larmes accords de violoncelle
de nos amours décelées sous nos soleils de givre
je me sais dans tes saisons et tu ris dans mes rêves
MIGUEL COELHO
Né en 1973, Miguel Coelho enseigne la philosophie dans les Hautes Alpes. Il a publié un poème, « Le pas du jour », dans le numéro 17 de la revue Paysages écrits, deux autres sont prévus dans le prochain numéro de la revue Les tas de mots.